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La révolte sociale sympathise avec l’anarchisme autant qu’avec le socialisme. Les attentats à la bombe, les exécutions, l'assassinat de Carnot (1894), réprimés par « les lois scélérates » ont un aspect de geste populiste. Les militants syndicalistes éprouvent une égale défiance vis-à-vis de l'Etat et des partis, même socialistes, qui veulent les utiliser. En 1890, Jean Allemane se sépare des possibilistes . Guesde est détesté , les Bourses du travail sont, pour les militants  un refuge contre les partis. Le 1 mai , journée de revendication des travailleurs, est célébré pour la première fois en 1890, à l’instigation de la II° Internationale, constituée l'année précédente.

Conscients du danger, « les républicains de gouvernement » tentèrent d'y faire face. Dès 1889, la durée du service militaire avait été réduite de cinq à trois ans et l'on s'efforçait de diminuer le nombre des exemptions. Freycinet, au ministère de la Guerre, achevait la réorganisation de l'armée qui avait servi de tremplin à Boulanger. Surtout, en 1891- 1892, une alliance défensive contre l'Allemagne fut conclue avec la Russie malgré la dissemblance des régimes politiques. Les deux pays ressentaient leur isolement diplomatique face à la « Triplice » de Bismarck. La Russie, pour son équipement et ses armements, était obligée d'emprunter des capitaux étrangers. Devant la mauvaise volonté allemande, elle s'adressa à Paris. Le tsar Alexandre III ne se proposait pas de favoriser la « revanche », mais de stabiliser la situation européenne avant de poursuivre une politique ambitieuse en Asie. La France ayant des visées identiques, en Afrique et à Madagascar, l'alliance risquait d'être dirigée surtout contre les Anglais. Bien que l'alliance fût secrète, des allusions dans les discours officiels, des visites d'escadre à Cronstadt (1891), puis à Toulon (1893) révélèrent son existence au public, d'autant que les banques encourageaient les Français à souscrire aux emprunts russes, base de cette alliance.

Pour lutter contre la dépression économique persistant dans le monde, les exigeaient le retour au protectionnisme. Les paysans craignaient pour leur blé la concurrence des pays neufs. Jules Méline assura, dès 1892, le retour à la protection douanière. Tout cela préparait les élections de 1893. Devant la montée du socialisme, les opportunistes, qui se nommaient désormais « progressistes », étaient devenus des conservateurs républicains. La déconfiture boulangiste laissait les droites sans perspective. Certains pensaient reprendre l'entente avec les progressistes, esquissée dès 1887.

Les catholiques formaient le fond de l'électorat monarchiste. Or, Léon XIII, pape depuis 1878, désirait l'appui diplomatique de la France. L'union des catholiques ralliés à la République avec les républicains modérés serait le moyen cherché. Une allocution du cardinal Lavigerie à Alger (1890), puis des interventions directes du souverain pontife témoignèrent de son désir d'un « |ralliement ». Si quelques personnalités catholiques obéirent, la défiance des chefs royalistes et des évêques vis-à-vis des républicains empêcha ce mouvement de se généraliser.

A l'approche des élections, en 1891, les boulangistes soulevèrent le scandale du Panama. La compagnie créée par Ferdinand de Lesseps pour le percement de l’isthme faisait des appels excessifs à l'épargne. Comme elle avait besoin de neutraliser le contrôle des pouvoirs publics, son énorme budget de publicité devenait la proie des gouvernants, qui, tels Rouvier et Clemenceau, l'utilisaient pour subventionner caisses électorales ou journaux. D'autres recevaient des chèques en échange de leur vote. Les dramatiques séances évoquées par Barrès dans Leurs Figures, les interminables commissions d'enquête n'aboutirent à rien de notable. Mais, contrecoup du scandale, les électeurs renouvelèrent une partie du personnel républicain.

Les élections de 1893 furent placées sous le signe du ralliement et de la percée socialiste. Les ralliés n'eurent pas trente élus, mais leurs électeurs assurèrent une majorité substantielle aux progressistes; les monarchistes faisaient désormais figure de groupe résiduel. Les radicaux progressaient et recrutaient surtout en province. Les socialistes, dont les élus (une cinquantaine) sont assez disparates, mais qui comptent Millerand et Jaurès dans leurs rangs, jouent désormais le rôle de parti de l'avenir. Invoquant « l'esprit nouveaux », les progressistes tentèrent de gouverner en ménageant les ralliés et les radicaux.

 

Casimir Perier, héritier d'une dynastie libérale et capitaliste, incarne cette préfiguration d'une « union nationale » antisocialiste. Successeur de Carnot, il laisse pressentir une présidence active, voire autoritaire. Mais les défiances qu'il suscite provoquent sa démission au bout de quelques mois, et son successeur Félix Faure est au contraire un président traditionnel. Craignant de devenir les satellites d'un bloc conservateur, les radicaux forment leur premier ministère homogène avec Léon Bourgeois (1895-1896). Très modéré, celui-ci veut établir l'impôt sur le revenu et recherche les votes socialistes. Mais son expérience ne dure que quelques mois. Alors, de 1896 à 1898, Méline dirige un gouvernement modéré homogène qui renonce à toute réforme, applique la législation laïque avec une modération toute nouvelle et, contre socialistes et radicaux, n'hésite pas à recourir aux voix de droite. La République conservatrice paraît bien établie lorsque éclate l'affaire Dreyfus.

Une république conservatrice, s'appuyant sur les catholiques ralliés contre la gauche, aurait eu des chances de durer si les catholiques avaient fait preuve d'une prudence extrême. Sa faiblesse résidait dans l'inexistence de son programme social. Or les socialistes remportaient aux élections municipales de nouveaux succède après ceux-ci, à Saint-Mandé, Millerand exposa en mai 1896 le manifeste d'une doctrine collectiviste, conciliant le patriotisme et l'internationalisme et cherchant le pouvoir par une victoire électorale.

En même temps, les Bourses du travail, fédérées par Fernand Pelloutier, et les syndicats préconisaient, depuis 1894, la grève générale comme moyen d accomplir une révolution pacifique. Les anarchistes dominaient ces syndicats sans gros effectifs et à d'autant plus violents. Les quelques grands syndicats, tels ceux du livre ou des cheminots, étaient plus modérés. L'ensemble témoignait néanmoins de la prise de conscience du malaise social. Ce malaise était bien perçu par des catholiques sociaux et républicains comme les « abbés démocrates », dont le programme était plus hardi que celui des ralliés, libéraux de tradition. Mais leur démocratie comportait des aspects nationalistes et leurs idées sociales se coloraient d'antisémitisme. Ce dernier se développait depuis 1870 comme une forme d'opposition au capitalisme, surtout dans les milieux catholiques. Le succès de La France juive du journaliste Edouard Drumont (1886), bientôt suivi de celui de son journal La Libre Parole (depuis 1892), en était un témoignage. Le groupe de presse des religieux Assomptionnistes (La Croix) exploitait et entretenait avec un succès notable ce courant démagogique qui submergea bientôt le libéralisme trop sage des premiers ralliés. ( A suivre)



 




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Etienne DOLET

 

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